Tout commence par une rencontre. L’artiste découvre l’atelier, les machines protégées et silencieuses ou au contraire animées de leurs rythmes bruyants, les odeurs de bois, de papier, d’encre, les meubles
de travail ; il pénètre dans l’univers toujours hétéroclite et un peu mystérieux des antres d’artisans.
Et il rencontre le maître des lieux, le maître-graveur. De ces premiers échanges devra naître l’envie d’une collaboration.
Ici, la renommée de Jean-Marie Picard et de son savoir-faire, la qualité de ses réalisations précédentes, sont un gage de confiance pour l’artiste.
Il lui reste peut-être à mieux cerner tout le chemin que va parcourir son oeuvre.
Les matières et les machines
Le maître-graveur lui fait d’abord découvrir les matériaux essentiels :
Le bois
Toutes les gravures de l’atelier DPJ sont gravées à la main, avec un outil de gravure spécifique : la gouge.
Elles sont réalisées sur du bois de poirier, un bois dit de fil, choisi parce qu’il est dense, peu ligneux, et qu’il permet un travail précis. Souvent l’artiste découvre
ce medium, méconnu avant cette rencontre. Il choisira un format selon son projet, mais l’épaisseur est toujours la même - 2,3 cm.
Pour la qualité régulière de ce bois, le maître-graveur compte
sur Michel Mazué, ébéniste d’art; c’est lui qui choisit et fournit régulièrement l’atelier;
il est installé en Bourgogne,
dans un village qui s’appelle … Saint-Germain-du-Bois !
Le papier
L’atelier DPJ travaille essentiellement avec des feuilles de papier chiffon, fabriquées de façon artisanale au Moulin de Vallis Clausa, à Fontaine-de-Vaucluse, ou au Moulin de Brousses, dans l’Aude. Ce papier entièrement fait-main ajoute du prestige à l’estampe, en contrepartie, il rend le travail d’encrage encore plus délicat; les différences d’épaisseur des feuilles, les grains irréguliers sont une difficulté supplémentaire, mais ils confèrent à chaque estampe un caractère unique. L’artiste pourra choisir son papier, il pourra même se rendre au Moulin, participer à son élaboration comme l'artiste Marie Hugo et le personnaliser en choisissant les matériaux entrant dans sa composition.
L’encre
Les artistes créant pour la gravure vont travailler essentiellement un visuel en noir et blanc, mais l’encrage pourra, à leur demande, se faire dans un autre coloris. L’encre choisie est celle de la typographie, le plus souvent noir carbone. C’est le maître-graveur qui maîtrisera l’encrage, qui règlera le débit sur plusieurs robinets - des sortes de clés comme pour accorder les guitares - et qui l’ajustera tout au long du tirage. Si l’artiste a choisi de créer une oeuvre en couleurs, deux techniques sont possibles : la technique des pochoirs en zinc ou l'encrage de plusieurs bois successifs, ou encore l'encrage toujours à partir du même bois avec la méthode du bois perdu, qui consiste a graver et imprimer successivement toujours à partir du même bois, en dégageant les couches au fur et à mesure.
Les presses
L’atelier dispose de quatre presses typographiques, trois à cylindres
et une à platine. Ces anciennes presses ne donnent le meilleur d'elles-mêmes qu'entre les mains d'un savoir-faire exceptionnel. La plus petite est dite presse à épreuves. Les estampes pourront être tirées sur une des autres machines, impressionnantes par leur taille, leur complexité mais aussi leur histoire. Elles fonctionnent depuis les premières années du XXème siècle. L’Atelier DPJ peut s’enorgueillirde posséder une Miehle, presse américaine de 1911, la plus ancienne de l'atelier, et deux Heidelberg d’origine allemande : l'une à cylindre, l'autre à platine.
Après cette découverte de l’atelier et cette première rencontre avec le maître-graveur, l’artiste repartira avec sa planche de bois de poirier pour créer une oeuvre unique spécifiquement destinée à la réalisation de l'estampe par l'Atelier.
Il ne s’agira jamais de la reproduction d’une oeuvre préexistante, et il n’y aura pas d’autre utilisation de cette création exclusive.
C’est ce qui confère à l’estampe son caractère original.